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conſiderées enſemble. Liv. II.

mouvement des Corps Céleſtes, qui coëxiſte à cette exiſtence & à ce mouvement, autant que nous en pouvons juger par la connoiſſance que nous avons de ces Corps. A prendre la choſe de cette maniére le Temps commence & finit avec la formation de ce Monde ſenſible, & c’eſt le ſens qu’il faut donner à ces expreſſions que j’ai déjà citées, avant tous les temps, ou lorsqu’il n’y aura plus de temps. Le Lieu ſe prend auſſi quelquefois pour cette portion de l’Eſpace infini qui eſt compriſe & renfermée dans le Monde materiel, & qui par-là eſt diſtinguée du reſte de l’Expanſion ; quoi que ce fût parler plus proprement de donner à une telle portion de l’Eſpace, le nom d’Etenduë plûtôt que celui de Lieu. C’eſt dans ces bornes que ſont renfermez le Temps & le Lieu, pris dans le ſens que je viens d’expliquer ; & c’eſt par leurs parties capables d’être obſervées, qu’on meſure & qu’on détermine le temps ou la durée particuliére de tous les Etres corporels, auſſi bien que leur étenduë & leur place particuliére.

§. 7.Quelquefois pour tout autant de Durée & d’Eſpace que nous en déſignons par des meſures priſes de la groſſeur ou du mouvement des Corps.
* Geneſe, chap. I. vs. 1 +.
En ſecond lieu, le Temps ſe prend quelquefois dans un ſens plus étendu, & eſt appliqué aux parties de la Durée infinie, non à celles qui ſont réellement diſtinguées & meſurées par l’exiſtence réelle & par les mouvemens périodiques des Corps, qui ont été deſtinez dès le commencement * à ſervir de ſigne, & à marquer les ſaiſons, les jours & les années, & qui ſuivant cela nous ſervent à meſurer le Temps ; mais à d’autres portions de cette Durée infinie & uniforme que nous ſuppoſons égales, dans quelques rencontres, & certaines longueurs d’un temps précis, & que nous conſiderons par conſéquent comme déterminées par certaines bornes. Car ſi nous ſuppoſions par exemple, que la création des Anges ou leur chute fût arrivée au commencement de la Période Julienne, nous parlerions aſſez proprement, & nous nous ferions fort bien entendre, ſi nous diſions que depuis la création des Anges il s’eſt écoulé 764. ans de plus, que depuis la création du Monde. Par où nous déſignerions tout autant de cette Durée indiſtincte, que nous ſuppoſerions égaler 764. Révolutions annuelles du Soleil, de ſorte qu’elles auroient été renfermées dans cette portion, ſuppoſé que le Soleil ſe fût mû de la même maniére qu’à préſent. De même, nous ſuppoſons quelquefois de la place, de la diſtance ou de la grandeur dans ce Vuide immenſe qui eſt au delà des bornes de l’Univers, lorſque nous conſiderons une portion de cet Eſpace, qui ſoit égale à un Corps d’une certaine dimenſion déterminée comme d’un pié cubique, ou qui ſoit capable de la recevoir : ou lors que dans cette vaſte Expanſion, vuide de Corps, nous concevons un Point, à une diſtance préciſe d’une certaine partie de l’Univers.

§. 8.Le Lieu & le Temps appartiennent à tous les Etres finis. Où & Quand ſont des Queſtions qui appartiennent à toutes exiſtences finies, deſquelles nous déterminons toûjours le lieu & le temps, par rapport à quelques parties connuës de ce Monde ſenſible, & à certaines Epoques qui nous ſont marquées par les mouvemens qu’on y peut obſerver. Sans ces ſortes de Périodes ou Parties fixes, l’ordre des choſes ſe trouveroit anéanti eu égard à notre Entendement borné, dans ces deux vaſtes Océans de Durée & d’Expanſion, qui invariables & ſans bornes renferment en eux-mêmes tous les Etres finis, & n’appartiennent dans toute leur étenduë qu’à