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XIV
AVERTISSEMENT

plus fortes, des tours plus vifs, des expreſſions plus brillantes, & ſe donnant la liberté non ſeulement d’ajoûter certaines penſées, mais même d’en retrancher d’autres qu’il ne croit pas pouvoir mettre heureuſement en œuvre ; †Horat. De Arte Poëticâ. v. 149, 150. quæ deſperat tractata niteſcere poſſe, relinquit. Mais il eſt tout viſible qu’une pareille liberté ſeroit fort mal placée dans un Ouvrage de pur raiſonnement comme celui-ci, où une expreſſion trop foible ou trop forte déguiſe la Vérité, & l’empêche de ſe montrer à l’Eſprit dans ſa pureté naturelle. Je me ſuis donc fait une affaire de ſuivre ſcrupuleusement mon Auteur ſans m’en écarter le moins du monde ; & ſi j’ai pris quelque liberté (car on ne peut s’en paſſer) ç’a toûjours été ſous le bon plaiſir de M. Locke qui entend aſſez bien le François pour juger quand je rendois exactement ſa penſée, quoi que je priſſe un tour un peu différent de celui qu’il avoit pris dans ſa Langue. Et peut-être que ſans cette permiſſion je n’aurois oſé en bien des endroits prendre des libertez qu’il falloit prendre néceſſairement pour bien repréſenter la penſée de l’Auteur. Sur quoi il me vient dans l’Eſprit qu’on pourroit comparer un Traducteur avec un Plenipotentiaire. La Comparaiſon eſt magnifique, & je crains bien qu’on ne me reproche de faire un peu trop valoir un mêtier qui n’eſt