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par M. Locke.

sans que personne en soit incommodé et mis à l’étroit, puisqu’il y a assez de terre pour autant encore d’habitans qu’il y en a ; quand même l’usage de l’argent n’auroit pas été inventé. Or, quand à l’accord qu’ont fait les hommes au sujet de la valeur de l’argent monnoyé, dont ils se servent pour acheter de grandes et vastes possessions, et en être les seuls maîtres ; je ferai voir ci-après[1] comment cela s’est fait, et sur quels fondemens, et je m’étendrai sur cette matière autant qu’il sera nécessaire pour l’éclaircir.

XIII. Il est certain qu’au commencement, avant que le desir d’avoir plus qu’il n’est nécessaire à l’homme, eût altéré la valeur naturelle des choses, laquelle dépendoit uniquement de leur utilité par rapport à la vie humaine ; ou qu’on fût convenu qu’une petite pièce de métal, qu’on peut garder sans craindre qu’il diminue et déchoie, balanceroit la valeur d’une grande pièce de viande, ou d’un grand monceau de bled : il est certain, dis-je, qu’au commencement du monde, encore que les hommes eussent droit de s’approprier, par

  1. Dans le §. XXIII. et suiv.