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de M. Locke.

pour parler ainsi. Et lorsque sa propre conservation n’est point en danger, il doit, selon ses forces, conserver le reste des hommes ; et à moins que ce ne soit pour faire justice de quelque coupable[1], il ne doit jamais ôter la vie à un autre, ou préjudicier à ce qui tend à la conservation de sa vie, par exemple, à sa liberté, à sa santé, à ses membres, à ses biens.

IV. Mais, afin que personne n’entreprenne d’envahir les droits d’autrui, et de

    en l’autre monde ». C’était le sentiment de Virgile, et, par conséquent, de tous les Romains de son tems, quand il dit :

    Proxima tenent maesti loca qui sibi Lethum
    Insontes peperêre manu, lucemque perosi
    Projicêre animas.

    Æn. Lib. 6, v. 434.

    Il y a bien plus de constance à user la chaîne qui nous tient, qu’à la rompre, et plus d’épreuve de fermeté en Regulus qu’en Caton. Ce que je finirai par ce beau vers de Martial, qui nomme cette action une rage, une fureur.

    Hic rogo, non furor est, ne moriare, mori ?

    [Note de Wikisource : La pensée sur Régulus et Caton, et les citations de Virgile et de Martial, sont également prises de Montaigne (Essais, II, 3). On peut les traduire ainsi :

    Non loin sont ces mortels qui, purs de tous les crimes,
    De leurs propres fureurs ont été les victimes,
    Et, détournant les yeux du céleste flambeau,
    D’une vie importune ont jeté le fardeau.

    Virgile, Énéide, liv. 6, v. 434, traduction Delille.

    Dites-moi, je vous prie : n’y a-t-il pas folie,
    À se donner la mort, pour ne perdre la vie ?

    Martial, Épigramme liv. 2, 80, v. 2.]

  1. Ceci doit s’entendre de l’état de nature seulement, comme l’explique l’Auteur dans le § suivant.