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Du Gouvernement Civil,

le cœur d’un autre homme, qui est d’une seule et même nature avec moi ? S’il se fait quelque chose qui soit contraire à ce desir, que chacun a, il faut nécessairement qu’un autre en soit aussi choqué, que je puis l’être. Tellement, que si je nuis et cause du préjudice, je dois me disposer à souffrir le même mal ; n’y ayant nulle raison qui oblige les autres à avoir pour moi une plus grande mesure de charité que j’en ai pour eux. C’est pourquoi le desir que j’ai d’être aimé, autant qu’il est possible, de ceux qui me sont égaux dans l’état de nature, m’impose une obligation naturelle de leur porter et témoigner une semblable affection. Car, enfin, il n’y a personne qui puisse ignorer la relation d’égalité entre nous-mêmes et les autres hommes, qui sont d’autres nous-mêmes, ni les règles et les loix que la raison naturelle a prescrites pour la conduite de la vie ».

III. Cependant, quoique l’état de nature soit un état de liberté, ce n’est nullement un état de licence. Certainement, un homme, en cet état, a une liberté incontestable, par laquelle il peut disposer comme il veut, de sa personne ou de ce qu’il possède :