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Du Gouvernement Civil,

pect ? J’avoue que cela me passe. Un homme qui, étant vivement attaqué, n’opposeroit qu’un bouclier pour sa défense, et se contenteroit de recevoir respectueusement, avec ce bouclier, les coups qu’on lui porteroit, ou qui se tiendroit dans une posture encore plus respectueuse, sans avoir à la main une épée, capable d’abattre et de dompter la fierté, l’air assuré et la force de son assaillant, ne feroit pas, sans doute, une longue résistance, et ne manqueroit pas d’éprouver bientôt que sa défense n’auroit servi qu’à lui attirer de plus grands malheurs, et de plus dangereuses blessures. Ce seroit, sans doute, user d’un moyen bien ridicule de résister dans un combat, ubi tu pulsas, ego vapulabo tantum, comme dit Juvenal : et le succès du combat ne sauroit être autre que celui que ce Poëte décrit dans ces vers[1] :

....Libertas pauperis haec est :
Pulsatus rogat, et pugnis concisus adorat,
Ut liceat paucis cum dentibus inde reverti.

Certainement, la résistance imaginaire dont il s’agit, ne manqueroit jamais d’être suivie d’un événement semblable. C’est pourquoi, celui qui est en droit de résister,

  1. Note de Wikisource : Dans un combat où tu frappes, et où je ne ferai qu’être étrillé, le succès du combat ne saurait être autre que celui que Juvénal décrit dans ses Satires, III, v. 299-301 :

    « .... D’un pauvre, voici la liberté :
    Battu, il doit prier, et, rompu, supplier
    Qu’avec une ou deux dents il puisse s’en tirer. »

    Juvénal, Satires, traduction Wikisource.