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par M. Locke.

ble encore, c’est que, quoique les Rois aient souvent donné grands sujets de mécontentement et de plainte, on n’a jamais pu porter le peuple à abolir pour toujours la royauté, ni à transporter la couronne à une autre famille.

XIV. Mais du moins, dira-t-on, cette hypothèse est toute propre à produire des fréquentes rebellions. Je réponds, premièrement, que cette hypothèse n’est pas plus propre à cela qu’un autre. En effet, lorsqu’un peuple a été rendu misérable, et se voit exposé aux effets funestes du pouvoir arbitraire, il est aussi disposé à se soulever, dès que l’occasion se présentera, que puisse être un autre qui vit sous certaines loix, qu’il ne veut pas souffrir qu’on viole. Qu’on élève les Rois autant que l’on voudra ; qu’on leur donne tous les titres magnifiques et pompeux qu’on a coutume de leur donner ; qu’on dise mille belles choses de leurs personnes sacrées ; qu’on parle d’eux comme d’hommes divins, descendus du Ciel et dépendans de Dieu seul : un peuple généralement maltraité contre tout droit, n’a garde de laisser passer une occasion dans laquelle il peut se délivrer de ses misères, et secouer le pesant joug qu’on