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Du Gouvernement Civil,

effet, disposer les choses de la sorte, n’est-ce pas dresser un nouveau modèle d’élection, et par-là renverser de fond en comble le gouvernement, et empoisonner la source de la sûreté et de la félicité publique ? Après tout, le peuple s’étant réservé le privilége d’élire ceux qui doivent le représenter, comme un rempart qui met à couvert les biens propres des sujets, il ne sauroit avoir eu d’autre but que de faire ensorte que les membres de l’assemblée législative fussent élus librement, et qu’étant élus librement, ils pussent agir aussi et opiner librement, examiner bien toutes choses, et délibérer mûrement et d’une manière conforme aux besoins de l’état et au bien public. Mais ceux qui donnent leurs suffrages avant qu’ils aient entendu opiner et raisonner les autres, et aient pesé les raisons de tous, ne sont point capables, sans doute, d’un examen et d’une délibération de cette sorte. Or, quand celui qui a le pouvoir exécutif, dispose, comme on vient de dire, de l’assemblée des législateurs, certainement il fait une terrible brèche à son crédit et à son autorité ; et sa conduite ne sauroit être envisagée que comme une pleine déclaration d’un dessein formé de renverser le gouver-