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nature en systèmes, mais quelle différence entre le génie des deux peuples ! Tandis que l’observation grecque s’est exercée sur les phénomènes extérieurs et formels, le Celte a pénétré le fonctionnement même de la vie. On saisira cette vérité, si l’on considère le développement de la pensée celtique jusqu’à nos jours, en examinant les sciences une à une et en notant les différences des conceptions grecques et celtiques.

En astronomie, les Grecs s’en sont tenus à la théorie des mouvements apparents, les Celtes ont découvert la réelle révolution des planètes. En physiologie, les premiers, toujours bornés à l’apparence, ont cru à la stagnation du sang, les seconds ont connu le phénomène de la circulation[1]. En mathématiques, ceux-là ont mesuré l’étendue, ceux-ci la vitesse. En dynamique, celle des uns a consisté en un retour à l’équilibre, celle des autres à rompre l’équilibre des forces. En plastique, les anciens ont rendu les proportions auxquelles les modernes ont ajouté l’expression. En politique, le grec comme le romain s’en tient à la conservation du Statu quo, de l’État[2], le Celte est mû par le désir du progrès. À Athènes[3] et à Sparte, comme à Rome, le principe d’autorité inspire les sacrifices, chez les Celtes, l’amour de la liberté enfante les héros. En jurisprudence grecque et romaine la formule est tout, en droit celtique l’intention suffit pour créer le lien juridique. En morale, le Grec obéit au devoir tracé par la loi écrite, le Celte aux inspirations de la conscience[4]. En dialectique, le grec Aristote considère la forme du raisonnement et érige la démonstration avec l’échafaudage du syllogisme ; le celte Descartes, au contraire, reconnaît directement la vérité à sa splendeur même, qui est l’évidence. En philosophie enfin, (et c’est elle qui expose les procédés intellectuels dont nous venons de voir les différentes applications) les Grecs ont catégorisé les accidents extérieurs de la matière, et les classant en genres non

  1. Sang, en gaélique fuil. Ce mot expressif de fluide, semble indiquer que les plus anciens Celtes connaissaient la fonction du sang, avant Harvey.
  2. Status, État, de stare, rester.
  3. Que l’on se rappelle Socrate enseignant sur son lit de mort l’obéissance à la loi qui lui est injustement appliquée.
  4. Dans l’antiquité on ne trouve rien de comparable aux paroles du Conventionnel, s’exprimant ainsi : La raison pour laquelle je vote la mort est là.