Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/72

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et bonne me donna, qui de honneur et de tout bien sçavoit et de bel maintien et de bonnes mœurs, et des bonnes estoit la meillour, se me sembloit, et la fleur. En elle tout me delitoye ; car en cellui temps je faisoye chançons, laiz et rondeaux, balades et virelayz, et chans nouveaux, le mieulx que je savoye. Mais la mort qui tous guerroye, la prist, dont mainte douleur en ay receu et mainte tristour. Si a plus de xx ans que j’en ay estè triste et doulent. Car le vray cuer de loyal amour, jamais à nul temps ne à nul jour, bonne amour ne oubliera et tous diz lui en souviendra.

Et ainsi, comme en cellui temps je pensoye, je regarday emmy la voye, et vy mes filles venir, desquelles je avoye grant desir que à bien et à honneur tournassent sur toutes riens ; car elles estoyent jeunes et petites et de sens desgarnies. Si les devoit l’en tout au commencement prendre à chastier courtoisement par bonnes exemples et par doctrines, si comme faisoit la Royne Prines, qui fut royne de Hongrie, qui bel et doulcement sçavoit chastier ses filles et les endoctriner, comme contenu est en son livre. Et pour ce, quant je les vy vers moy venir, il me va lors souvenir du temps que jeune estoye et que avecques les compaignons chevauchoie en Poitou et en autres lieux. Et il me souvenoit des faiz et des diz que ilz me recordoient que ilz trouvoient avecques les dames et damoyselles que ilz prioient d’amours ; car il n’estoit nulz jours que dame ou damoiselle peussent trouver que le plus ne voulsissent prier, et, sy l’une n’y voulsist entendre, l’autre priassent sans attendre. Et se ilz eussent ou bonne ou male