Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/171

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voulentez, n’en vouldrent rien faire, et cuidèrent aler au devant et prindrent le chemin des marois, où il avoit vieilles cloyes pourris, et, quant elles furent sur les cloyes, les cloyes fondirent et elles cheyrent en la boue et en la fange jusques aux genoulx, et furent toutes souilliées, et convint qu’elles retournassent arrières à l’autre chemin, après les autres, et elles se ratissèrent à coustaulx leurs chausses et leurs robes, et furent crotées et souillées, et ne demandez mie comment, et on les demanda bien partout, et tant que l’on eut mengié le premier mès avant qu’elles venissent. Et quant elles vindrent sy comptèrent comment elles estoient chaitez en la boue. Hé ! dist une bonne dame et saige qui estoit venue le grant chemin, vous nous cuidiez estre au devant pour estre les premierez à l’ostel, et ne nous vouliez suivre. Il est bien employé ; car je vous dy pour vray que telle se cuide avancié qui se desavance, et telle cuide venir la première qui se treuve la dernière. Sy lui bailla ces deux parolles doublement et couvertes ; car, selon ce que dist le saint preudomme, ainsi est-il de ce siècle ; car celles qui premières prennent les nonveaultéz et les jolivetéz qui viennent par le monde, elles cuident moult bien faire desavancer les aultres pour avoir les plus de regars ; mais, pour un qui le tient à bien, il y en a X quy le tiennent a mauvays et s’en moquent et bourdent ; car telz les en louent par devant qui en trayent la langue par derrière et se mocquent d’elles et en tiennent leurs parlemens ; mais nulle ne croit en sa folie.