Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/126

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advint, une fois entre les autres, que, à une feste où elle fust la nuit, l’en estaigny les torches et fist l’en grans huz et grans cris, et quant vint que l’en apporta la lumière, le frère du seigneur de celle dame vit que un chevalier tenoit celle dame et l’avoit mise un petit à costé, et, en bonne foy, je pense fermement qu’il n’y eust nul mal ne nulle villenie. Mais toutes fois le frère du chevalier le dist et en parla tant que son seigneur le sceut et en eut si grant dueil que il l’en mescrut toute sa vie, ne depuis n’en eut vers elle si grant amour ne si grant plaisance, comme il souloit ; car il en fut fol et elle folle et s’entrerechignèrent, et en perdirent aussi comme tout leur bien et leur bon mesnage, et par petit d’achoison.

Je sçay bien une autre belle dame qui très voulentiers estoit menée aux grans festes. Si fu blasmée et mescreue d’un grant seigneur. Dont il advint qu’elle fut malade de si longue maladie, qu’elle fut toute deffaicte et n’avoit que les os, tant estoit malade. Sy cuidoit transir de la mort, et se fist apporter beau sire Dieux. Lors dist devant tous : « Mes seigneurs, mes amis et mes amyes, veez en quel point je suy. Je souloye estre blanche, vermeille et grasse, et le monde me louoit de beaulté ; or povez-vous veoir que je ne semble point celle qui souloit estre ; je souloye amer festes, joustes et tournoys ; mais le temps est passé ; il me convient que je aille à la terre dont je vins. Et aussi, raes chers amis et amies, l’en parle moult de mal de moy et de mon seigneur de Craon ; mais, par celuy Dieu que je doys recevoir et sur la dampnacion de mon âme, il ne me requist oncques, ne me fist villennie mais que