Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/107

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Si en fut celle damoiselle toute sa vie deffaite et honteuse, et son mary lui reprouchoit bien souvent qu’il lui eust mieulx valu de non estre si jalouse que de avoir fait deffaire son visage. Et ainsi par celle laideur et mescheance, il ne la peut depuis si parfaictement amer comme il souloit devant, et ala au hange. Et ainsi perdit l’amour et l’onnour de son seigneur par sa jalousie et par sa follie.

Et pour ce a cy bon exemple à toute bonne femme et à toute bonne dame comment elles ne doivent faire semblant de telz choses, et doivent souffrir bel et courtoisement leur doulour, se point en ont, si comme souffrit une mienne tante, qui le me compta plusieurs fois. Celle bonne dame fut dame de Languillier, et avoit un seigneur qui tenoit bien mil et Vc livres de rente, et tenoit moult noble estat. Et estoit le chevallier à merveille luxurieux, tant qu’il en avoit tousjours une ou deux à son hostel, et bien souvent il se levoit de delèz sa femme et aloit à ses folles femmes. Et, quant il venoit de folie, il rouvoit la chandoille alumée et l’eaue et le toaillon à laver ses mains. Et quant il estoit revenuz, elle ne ly disoit rien, fors qu’elle luy prioit qu’il lavast ses mains, et il disoit que il venoyt de ses chambres aisées : « Et pourtant, mon seigneur, que vous venés des chambres, avez vous plus grant mestier de vous laver. » Ne autre ne lui reprouchoit, maiz que aucune foiz elle luy disoit privéement, à eulx tous deulx seulz : « Mon seigneur, je sçay bien vostre fait de telle et telle. Maiz jà par ma foy, se Dieu plaist, puisque c’est vostre plaisir et que je n’y puis mettre aucun remède, je n’en feray ne à vous ne à elles pire chière ne semblant. Car je seroys