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Il n’oublie rien, pas même de vérifier si l’on a renouvelé l’eau de son petit chien, Pinpin, qui trottine derrière lui, avec une agitation inaccoutumée, car il comprend qu’il y a quelque chose de changé dans la maison, puisque son maître va sortir encore, aux heures où il travaillait.

Et la maison, pourtant, a comme un air de fêtes. Si la haine est au dehors, à l’intérieur c’est la fidélité, l’hommage, l’admiration, l’encouragement… Des milliers de lettres, des milliers de télégrammes, encombrent les tables, les meubles, venus des quatre coins du monde… Partout des bouquets, des couronnes, de hautes gerbes de fleurs… Le cabinet de travail, le salon, la salle de billard, l’escalier en sont pleins… Il y en a de fastueux, il y en a de tout petits aussi, de pauvres fleurs humbles et qui ne sont pas les moins touchantes… J’en remarque un, fait de quelques violettes toutes pâles et fanées. Il vient de loin… Et c’est une mère qui l’envoie, une malheureuse mère dont le fils, pour une seconde de révolte, pour un geste impossible à maîtriser, a été condamné, par un conseil de guerre, à mourir en pleine force de jeunesse et d’espoir…

Quand nous sortirons – car l’heure est venue de partir – Zola entendra, dans la rue, les clameurs de mort, et il verra se précipiter aux portières de sa voiture les camelots de la servitude, devenus les camelots du crime.

Hurlez, pauvres diables, hurlez, dans les rues de ce Paris qui a donc oublié les menaces, les tas de cadavres, les fournées rouges des conseils de guerre de 1871 ! Hurlez ! Le jour reviendra, plus prochain que vous le pensez, et plus sanglant, je vous le dis, où vous com-