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pour rendre les Dieux propices, offrant à la Vérité que nous servons, à la Justice dont nous sommes les fanatiques, à la Liberté que nous adorons, nos larmes et notre sang.

Lucien VICTOR-MEUNIER,
rédacteur au Rappel.

30 mai 1898.


UN MATIN, CHEZ ÉMILE ZOLA

Durant le procès, un matin, je suis allé prendre Émile Zola, chez lui, pour l’accompagner à la Cour d’assises. Il achève de déjeuner, et il est fort calme ; les longues et terribles séances ne l’ont pas fatigué ; ces hurlements de mort qui, chaque fois, le poursuivent, à son entrée et à sa sortie du Palais, ne l’ont même pas énervé ; en voyant la justice civile se prostituer à la justice militaire, la toque du juge coiffer le sabre du soldat, il n’a pas senti les atteintes du découragement, au contraire. Il y a, sur son visage reposé et souriant, comme une grande tranquillité joyeuse. Ce n’est pas de l’orgueil, mais la satisfaction intime, contenue, profonde, que donne le devoir accompli. Il est plein d’espoir, parce qu’il est plein de foi… Près de lui, une pile de journaux intacts sous leur bande : deux ou trois seulement dépliés et parcourus rapidement ; d’abjects outrages, des entassements d’ordures, de sinistres appels au meurtre comme toujours. Il n’a pas une plainte contre ces malfaiteurs qui le vouent à l’exécration publique, pas une colère ! À peine un haussement d’épaules… Ils font leur métier et