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humaine est indifférente, à qui l’injustice ne cause aucun tourment et je considère comme les plus grands des hommes ceux qui portent dans la carrière le casque d’or de l’intelligence et les armes de fer de l’action.

Créer par l’intelligence, combattre pour l’Idée, choisir intrépidement le plus beau péril, être celui qu’on hait férocement, qu’on aime avec une religion d’enthousiasme, voilà le personnage supérieur, le héros !

Quelle allégresse, quel honneur pour ceux qui s’élèvent aux régions supérieures de la pensée, qui communiquent au pôle de la plume la flamme du vrai et du beau, que, hors les politiciens et les mauvais bergers dupeurs de foules, le missionnaire sans peur de vérité, de justice et de réparation ait été un homme de lettres.

Comment ne pas célébrer passionnément, ne pas envier la magnifique expansion de l’individu dans la bataille engagée par un seul homme contre tout un peuple, dans le combat livré par un seul à l’armée des mensonges, des préjugés revêtus et empanachés, — à la coalition des forces nationales du fanatisme, de l’envie, des respects, de l’erreur, de la méchanceté et de la sottise publiques.

Ce n’est pas seulement au plus malheureux des hommes, au Juif torturé dans l’Île du Diable contrairement à toutes les formes du droit et de la loi, qu’Émile Zola aura porté secours ; son intervention s’étend plus loin, son champ de bataille contient la cause de la liberté personnelle :

Il est le champion de l’Idée contre la force brute, contre les panaches, les épées, les bataillons épais de la servitude, l’envie, le fanatisme, la stupidité de la foule, la cohue des meneurs.