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Mains des nobles fils de France, mains qui avez conquis à coups de francisque sur la faiblesse des colons romains le champ fertile et la bauge féodale d’où vous vous appesantissiez jusque sur le passant de la route ; mains rouges des inquisiteurs qui confisquiez les fiefs hérétiques ; mains des rois, mains des soudards lâchés contre la médiation des villes ; mains des conventionnels qui avez ramassé la richesse des biens nationaux dans le liquide de la guillotine ; mains des généraux de l’Empire qui vingt ans avez pillé l’Europe, mains du voleur Augereau, mains du voleur Lannes, mains du voleur Bonaparte, mains de gloire, mains rouges, mains de toutes les infamies, vous voilà redressées à travers les rues, pour mettre un nouveau signe sanglant au front de la Pensée.

Les bouchers vous aident.

Mais, cette fois, l’Idée se lève, plus robuste, contre vous. Elle compte plus de bouches pour proclamer, peut-être, plus de bras pour se défendre.

L’idée de Proudhon et de Fourier compte les forces socialistes ; l’idée de Moïse, de Spinoza et de Karl Marx, les forces sémitiques ; l’idée de Kropotkine et de Reclus, les forces anarchistes ; l’idée des sciences et des lettres, toutes les forces que l’intelligence multiplie sans limites.

Oui, vous êtes le droit divin, le droit de la fatalité des forces physiques, le droit de la brute ruée sous l’impulsion de ses instincts, le droit du sabre et le droit du meurtre.

Mais nous sommes la puissance de l’Idée éclose dans le mystère des religions disparues, grandie au sein d’Eschyle et de Platon, accrue par Spinoza,