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mises en lumière. La revision du procès, que Dreyfus eut ou non trahi son pays, s’imposait. Et Clemenceau le fit magistralement ressortir dans une série d’articles, avec la logique serrée, l’éloquente argumentation qui lui sont propres et l’ont placé au premier rang des polémistes de notre époque.

De proche en proche, la conviction gagnait. Chaque jour amenait à M. Schreurer-Kestner de nouveaux indices, de nouveaux documents, de nouveaux témoignages. Il connaissait enfin le nom du misérable qui avait rédigé, écrit les pièces sur lesquelles les juges du Conseil de guerre avaient prononcé et qui, seules, avaient été produites au cours des débats.

Ce fut alors qu’Émile Zola, plus avant que nous dans les confidences de M. Scheurer-Kestner, indigné du jésuitique accueil fait par les pouvoirs publics aux supplications les plus justifiées dans le fond et les plus modérées dans la forme, se résolut à élever la voix. Dédaigneux des réserves timorées, des circonlocutions prudentes, jugeant passée l’heure de la prière et venue celle de l’affirmation véhémente, il prit en mains la défense du droit violé et écrivit cette admirable lettre au Président de la République, que l’Aurore eut le grand honneur de publier.

Émile Zola ne se dissimulait aucune des responsabilités par lui encourues. Il ne se demandait pas s’il allait compromettre le patrimoine de légitime gloire si laborieusement conquis par un travail incessant de plus de trente années. Simplement, fermement, il accomplissait le devoir que lui traçait sa conscience d’honnête homme.

Alfred Dreyfus est Juif ! Alfred Dreyfus est riche ! et