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Il y a deux ans environ, un conscrit de l’une de nos communes a été condamné à tort par un tribunal militaire. L’erreur m’a été signalée. J’ai fait des démarches, j’ai eu le bonheur d’obtenir du Ministre de la guerre la grâce entière du condamné ; il a été rendu à sa famille : qui de vous ne m’a pas approuvé ?

Seulement, dans cette affaire du petit conscrit des Mées, ni les passions politiques, ni les haines religieuses n’étaient en jeu.

Ce sont ces passions déchaînées contre lesquelles je m’élève ; elles seules obscurcissent aujourd’hui une question qui, en elle-même, était très simple.

On a osé accuser les hommes qui réclamaient la re vision du procès Dreyfus de manquer de patriotisme, d’outrager l’armée et la justice. J’attends qu’on me cite une ligne, une parole de moi, qui justifie cette abominable imputation.

Est-ce manquer de patriotisme que de vouloir que la France, bonne et généreuse, fidèle à sa glorieuse mission, à sa raison d’être historique, reste à l’avant-garde de l’humanité en marche ?

Est-ce outrager la justice que de croire qu’un tribunal peut, de la meilleure foi du monde, se tromper et sur le fait et sur le droit, de dénoncer une erreur, de chercher à la réparer ?

Au début de la dernière législature, la chambre a voté à l’unanimité une loi nouvelle sur la réparation des erreurs judiciaires ; j’en avait été l’un des promoteurs. Mais il ne suffit pas de faire de bonnes lois, il les faut appliquer.

Est-ce outrager l’armée, cette armée où j’ai servi, cette armée que j’aime de toute âme, est-ce l’outrager que de