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votre député, j’ai toujours dit toute ma pensée, tout ce que je croyais être la vérité.

Je n’ai jamais flatté la démocratie ; j’aurais cru lui faire injure.

Celui qui cède aux entraînements de l’opinion, celui qui dissimule par peur ou dans un vil intérêt personnel ses convictions, celui-là est indigne du titre de Représentant du Peuple.

Une question judiciaire passionne depuis six mois le pays. On m’a fait un grief de l’attitude que j’ai prise. Elle m’était dictée par ma conscience.

Un homme, un officier, a été condamné contre toutes les règles du droit et de l’équité, sur des pièces communiquées en secret à ses juges, sans que lui ni son défenseur en aient eu connaissance. Ces pièces pouvaient être fausses, elles pouvaient se rapporter à des tiers. Un pareil procédé est la parodie de la justice, le triomphe de l’arbitraire, la violation des garanties les plus élémentaires que les sociétés les moins civilisées accordent elles-mêmes aux accusés.

« Si Dreyfus a été condamné sur la production de pièces secrètes que la défense n’aurait pas connues, si cela était vrai, il n’est pas douteux que la décision serait frappée d’une nullité radicale. » Qui parle ainsi ? C’est la plus haute autorité judiciaire de France, c’est le procureur général près la Cour de cassation.

Savoir qu’une illégalité, qu’une erreur judiciaire a été commise, et se taire^ c’est s’en rendre complice.

Imaginez qu’un des vôtres ait été victime d’une erreur de ce genre. Qu’auriez-vous dit, si, en ayant acquis la preuve, je vous avais refusé mon concours pour sauver le malheureux ?