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« mélinite » ait fait long feu et que la « massue » soit restée sur le « billot », ils ont obtenu la condamnation de ce gêneur qu’ils n’ont pas osé regarder de face.

Oh ! je sais bien que, encore à l’heure présente, si l’on plébiscitait sur l’affaire Dreyfus-Zola, la majorité serait contre Émile Zola ; et peut être rééditerait-on le Vox populi ! Vox Dei ! Eh bien ! je vous déclare que je n’y crois plus à cette « voix »… C’est elle qui en 1850 nous a donné l’Empire. C’est elle qui en 1870 nous a menés à Sedan et non à Berlin, et, pour remonter plus haut, c’est elle qui a condamné à mort « Jésus » et gracié « Barrabas » ! Il y a eu de tout temps des Ponce-Pilate…, croyez moi en ce moment, il y a peu d’honneur à se mettre du côté de la « majorité » qui conspue Zola.

Pour mon compte, que Zola ait tort ou raison, je ne l’en admire pas moins :

S’il a tort et si Dreyfus est coupable, je lui saurai gré de m’avoir délivré du cauchemar de son innocence ; et je laisserai le traître subir sa peine. On scellera son tombeau, et l’on ne parlera plus de lui ;

S’il a raison et s’il prouve l’innocence du condamné de l’Île du Diable, ce sera mieux encore, car ce sera pour la conscience publique et pour les cœurs français un soulagement de savoir que quel que soit le sang qui coule dans les veines de nos soldats, aucun n’est traître à la Patrie ;

Enfin, quoi qu’il arrive, nous devons quand même remercier M. Émile Zola de nous avoir prouvé que la France n’est pas déchue, que la race des Voltaire et Victor Hugo n’est pas éteinte, et qu’il est encore de grands cœurs qui sont prêts à sacrifier leur tranquillité