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constitution, ni république ; il n’a servi à rien de faire la Révolution de 1789 et de démolir la Bastille. Un homme est à la merci des gouvernants et peut être déporté après un simulacre de jugement.

Or, ce fait monstrueux a été révélé par les journaux du gouvernement ; jamais le gouvernement ne l’a nié. Et finalement le rapport Ravary l’a implicitement avoué en parlant du dossier secret. C’est sur ce point qu’eussent dû porter les interpellations à la Chambre et au Sénat, si l'on avait en France ce souci profond du droit qui fait la force et la liberté de l’Angleterre. Car, ce qui est une trahison, c’est de ne pas protester contre une pareille violation du droit. Et c’est pourquoi même tant d’étrangers, d’ailleurs amis de la France, se joignent à l’éloquente protestation d’Émile Zola.

On a dit qu’il s’agissait de documents dont la publicité eût amené un conflit avec l’Allemagne. C’est faux, puisque l’Allemagne a déclaré, par voie de notes officieuses et de démarches de son ambassadeur à Paris, que jamais Dreyfus n’avait été en relations avec aucun agent allemand.

C’est peu connaître les habitudes des gouvernements que de supposer que l’empereur d’Allemagne croirait de sa dignité de faire ces démarches pour sauver un espion. C’est absurde ; quand un espion se fait prendre, on ne fait rien pour lui. Et d’autre part, s’il y avait quelque chose, l’Allemagne ne s’exposerait pas à la confusion dont le gouvernement pourrait la couvrir en publiant tout, comme les notes officieuses allemandes l’y convient.

L’explication du mystère se trouverait en ceci : les documents communiqués en chambre du Conseil, non vérifiés, acceptés comme vrais par l’État-major et les