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Et voici qu’au premier geste de Zola, jusqu’alors si éloigné de la place publique, se jetant en avant, et devançant d’un bond ceux qui soutenaient le plus ardemment le combat, les consciences se sont senties libérées de l’affreux cauchemar, les langues se sont déliées, et sous les clameurs de messieurs les étudiants des cercles catholiques, on a entendu le beau cri retentir : Me, me adsum qui feci, on a vu des hommes apporter leur nom pour l’œuvre de justice.

Et voilà que dans notre France de fonctionnaires où l’on tient tant de gens par les croix, par les places, par les faveurs de toutes sortes dont la centralisation fait du gouvernement l’universel distributeur, des hommes de cabinet, de laboratoire, des professeurs, des savants ennemis des agitations publiques, s’émancipent jusqu’à protester à la face de tous en faveur du droit cyniquement violé. Et que serait-ce si des institutions libérales laissaient chaque Français maître de sa volonté ? Hier, un de nos plus distingués professeurs de l’enseignement secondaire me disait : « Vous n’aurez personne des lycées. Si je vous donnais mon nom, cet imbécile de Rambaud (j’atténue) m’enverrait pourrir au fond de la Bretagne. »

Le populaire, je l’avoue, a paru plus tardif à s’émouvoir. Lassé de vingt-cinq ans de paroles sans actes, dégoûté des promesses, toujours renouvelées, jamais tenues, il en est arrivé — je l’en blâme — à se désintéresser de beaucoup de choses qui le passionnaient jadis. Victime de tous les dénis de justice, que lui importe un nouvel acte d’arbitraire et d’iniquité dans le camp de ses maîtres, au détriment de l’un d’eux ? C’est le redressement total qu’il rêve. Combien de fois tenté ! Pour abou-