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MAITRE JEAN GRILLET

Ayant l’heur d’estre son mary,
Je devrois en estre guary ;
Mais c’est bien une telle rose
Que j’en suis encore étonné,
Et le ciel jamais n’a donné
Au monde une si belle chose.

Sans doute, le sentiment si vif exprimé dans ces rimes sincères n’était pas sans écho dans celle qui l’inspirait ; et en effet, paraît-il, Grillet n’était point un trop mauvais parti. Il criait misère, parce que c’était l’usage aux poètes de le faire, et l’émailleur se croyait poète ; mais son métier était d’un revenu assuré : ses goûts un peu épicuriens s’accordaient avec un caractère aimable et facile à tous ; son portrait le montre avec de longs cheveux plats, une mouche et des moustaches épaisses, l’air décidé et toute la mine d’un galant homme. — Ceux qui m’ont pu connaître, dit-il lui-même :

Voyant un ventre assez rond
Et considérant mon étoffe,
Ont creu que j’estois philosophe,
Poète, ivrongne ou environ

Souvent obligé de venir à Paris, il demeurait d’ordinaire à Essonne, entre Paris et Fontainebleau, dans le voisinage du palais que M. Hesselin, surintendant des fêtes, plaisirs et ballets de la Cour, s’y était fait construire : ce palais, un moulin à poudre et enfin Grillet lui-même étaient, comme il le dit ingénument, les trois merveilles du lieu ; l’abbé de La Roche— Pozay, dans son voyage du

’Le seul peut-être des écrivains contemporains de Grillet qui ait parlé du « Poète émaillcur », sans donner d’ailleurs son nom, est Costar, qui dit lui avoir entendu réciter, sur la route de Fontainebleau, les quatre vers que nous citons ici. — Voy. Costar, Apologie, in-4o, 1657, p. 302.