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prement maison de campagne. De villa, le bas latin forma villanus, habitant d’une villa ou exploitation rurale. Ainsi introduit, vilain prit naturellement le sens d’homme des champs ; et, comme l’homme des champs était serf dans la période féodale, vilain s’opposa à gentilhomme et fut un synonyme de roturier. Mais, une fois engagé dans la voie des acceptions défavorables, vilain ne s’arrêta pas à ce premier degré, et il fut employé comme équivalent de déshonnête, de fâcheux, de sale, de méchant ; c’était une extension du sens de non noble. Puis il se spécialisa davantage, et de déshonnête en général devint un avare, un ladre en particulier. Enfin, des emplois moraux qu’il avait eus jusque-là, il passa à un emploi physique, celui de laid, de déplaisant à la vue. C’est ordinairement le contraire qui arrive : un sens concret devient abstrait, mais rien en cela n’est obligatoire pour les langues ; et elles savent fort bien que ces inversions ne dépassent pas leur puissance.

Voler. — Le mal qui afflige voler est celui de la confusion des vocables et de l’homonymie malencontreuse. Ce mot, au sens de dérober furtivement, est récent dans la langue ; je n’en connais d’exemple que de la fin du seizième siècle. Auparavant, on disait embler, issu du latin involare, qui a le même sens. Par malheur, voler, l’intrus, a chassé complètement l’ancien