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dans l’ancienne langue que passage au delà, passer au delà. Par une métaphore très facile et très bonne, on disait couramment trespasser de vie à mort, trespasser de ce siècle. C’était de cette façon qu’on exprimait la fin de notre existence. Une fois cette locution bien établie dans l’usage, il fut possible de supprimer ce qui caractérisait ce mode de passage, et trépas et trépasser furent employés absolument, sans faire naître aucune ambiguïté. La transition se voit dans des exemples comme celui-ci, emprunté à Jean de Meung :

Non morurent, ains trespasserent
Car de ceste vie passerent
A celle où l’en [l’on] ne puet mourir.

Ici trespasserent joue sur le sens de passer au delà et de mourir. Jusque-là rien à objecter, et de telles ellipses sont conformes aux habitudes des langues. Mais ce qui doit être blâmé, c’est qu’en même temps qu’on donnait à trespasser le sens absolu de mourir, on ne lui ait pas conservé le sens originel de passer au delà. Il faudrait que néologisme n’impliquât pas destruction. On remarquera que, tandis que trépas est du style élevé, trépasser a subi la dégradation qui affecte souvent les mots archaïques ; il n’est pas du haut style et n’a plus que peu d’emploi.

Tromper. — Plus d’un accident a frappé ce mot. D’abord il est neutre d’origine, et ce n’est