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ne peut plus sortir du confinement où le mal l’a jeté. Au seizième et au dix-septième siècle tapinois était un adjectif ou un substantif qui s’employaient dans le langage courant : une fine tapinoise, un larcin tapinois. La langue moderne a rejeté l’adjectif ou le substantif, et n’a gardé qu’une locution adverbiale, de laquelle il n’est plus possible de faire sortir tapinois : en tapinois. C’est certainement un dommage ; il n’est pas bon pour la flexibilité et la netteté du langage d’immobiliser ainsi des termes qui méritaient de demeurer dans le langage commun. Gaspiller ce qu’on a ne vaut pas mieux dans l’économie des langues que dans celle des ménages.

Targuer. — Targuer est entaché d’une faute contre la dérivation ; il devrait être targer et non targuer ; car il provient de targe ; peut-être les formes de la langue d’oc targa, targar, ont-elles déterminé cette altération. De plus, il a subi un rétrécissement pathologique, quand de verbe à conjugaison libre il est devenu un verbe uniquement réfléchi ; les anciens textes usent de l’actif targer ou targuer au sens de couvrir, protéger. Jusqu’à la fin du seizième siècle se targer (se targuer) conserve la signification propre de se couvrir d’une targe, et, figurément, de se défendre, se protéger. Mais, au dix-septième siècle, la signification se hausse d’un cran dans la voie de la métaphore, et se