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Marionnette. — Ce mot est un assez joli mot, et sa descendance est assez jolie aussi. L’ancienne langue avait mariole, diminutif de Marie, et désignant de petites figures de la Sainte Vierge. Le diminutif mariolette se corrompit en marionnette ; et, par un procédé qui n’est pas rare, l’usage transporta le nom de ces effigies sacrées à une autre espèce de figures, mais celles-là profanes. En même temps le sens ancien s’oblitéra complètement ; car, autrement, comment aurait-on commis l’impiété d’appliquer le nom des figures de la Sainte Vierge à des figures de spectacle et d’amusement ? La dégradation du sens s’est ici compliquée d’une offense aux bienséances catholiques.

Méchant. — Le quatorzième siècle a inauguré (du moins on n’en voit pas d’exemple auparavant) la fortune d’un mot aujourd’hui d’un usage fort étendu : ce mot est méchant. C’est le participe présent du verbe vieilli méchoir, et d’abord il n’a désigné que celui qui a mauvaise chance. Il a passé de là aux choses de peu de valeur : un méchant livre ; et finalement, entrant dans le domaine moral, il s’est appliqué aux hommes d’un naturel pervers. Il y a satisfaction à suivre ainsi la logique secrète de l’usage, qui dérive les significations l’une de l’autre ; il est intéressant aussi d’étudier