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liberare, qui veut dire uniquement rendre libre, mettre en liberté. On trouve dès le neuvième siècle, dans un capitulaire de Charles le Chauve, liberare avec le sens de livrer, de remettre. À cette époque, le bas latin et le vieux français commençaient à ne plus guère se distinguer l’un de l’autre, le premier arrivant à sa fin, l’autre se dégageant de ses langes. Toujours est-il que le parler populaire des Gaules ne reçut pas liberare avec son sens véritable, mais lui fit subir une distorsion dont on suit sans grande peine le mouvement ; car affranchir, mettre en liberté, et ne plus retenir, livrer, sont des idées qui se tiennent. Mais, manifestement, le mot s’est dégradé ; l’idée morale de liberare a disparu devant l’idée matérielle de mettre en main, de transmettre. Faites-y attention, et vous reconnaîtrez que les mots ont leur abaissement comme les hommes ou les choses.

Loisir. — Loisir est un mot élégant du langage français, qui appartient aux plus anciens temps, avec la signification actuelle. D’origine, c’est l’infinitif, pris substantivement, d’un ancien verbe jadis fort usité, qui ne veut pas dire être en loisir, mais qui veut dire être permis ; car il vient du latin licere, être licite. Au reste, le sens étymologique est conservé dans l’adjectif loisible. Ainsi, de très bonne heure, l’usage po-