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Cela a été causé par une particularité de la très ancienne orthographe. Dans les hauts temps, ce mot s’écrivait gref ou grief, mais était, sous la seconde forme, monosyllabique comme sous la première. Comment prononçait-on grief monosyllabe ? nous n’en savons rien. Toujours est-il que, dans les bas temps, l’orthographe grief ayant prévalu, il fut impossible de l’articuler facilement en une seule émission de voix. De là est né le péché fâcheux contre l’équivalence des voyelles en gravis dans le passage du latin au français.

Griffonner. — Ce verbe est un néologisme du dix-septième siècle. On a bien dans le seizième un verbe griffonner ou griffonnier, mais c’est un terme savant qui se rapporte au griffon, animal fabuleux, qu’on disait percer la terre pour en tirer l’or : griffonnier l’or, lit-on dans Cholières. Pourtant l’origine de notre griffonner remonte au seizième siècle et est due à un joli néologisme de Marot. Il nomme griffon un scribe occupé dans un bureau à barbouiller du papier. Griffon en ce sens n’a pas duré, et nous l’avons remplacé par griffonneur. Comment Marot a-t-il imaginé la dénomination plaisante que je viens de rapporter ? Sans doute il n’a vu dans le barbouillage du scribe qu’une opération de griffes ; et dès lors le griffon, armé et pourvu de griffes, lui a fourni l’image qu’il cherchait.