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PRÉFACE. xxxvii

termes de métier, qui rarement ont un historique et pour lesquels on est loin de savoir toujours si l'acception est propre ou figurée. Mais j'ai l'espérance que bien des rapprochements qui m'ont échappé ressortiront quand les étymologistes auront sous les yeux ce premier essai d'un travail complet, et que plus d'une lacune sera comblée.

L'étymologie a toujours excité la curiosité. Il est, on peut le dire, peu d'esprits qui ne s'intéressent à ce genre de recherches ; et plus d'une fois ceux qui s'occupent le moins de l'étude des mots ont l'occasion d'invoquer une origine à l'appui d'une idée ou d'une explication. Cet intérêt n'est ni vain ni de mauvais aloi. Pénétrer dans l'intimité des mots est pénétrer dans un côté de l'histoire ; et, de plus en plus, l'histoire du passé devient importante pour le présent et pour l'avenir.

x. conclusion.

Cette préface s'est prolongée d'explication en explication, et elle s'étend encore dans un Complément qui en fait partie et qui traite plusieurs questions, séparées du reste comme accessoires, introduites comme éclairant et vivifiant l'ensemble. Sans doute, à un dictionnaire tel que celui dont j'ai exposé la structure a-t-il fallu, pour que le lecteur pût l'apprécier, une longue introduction. Si l'on veut bien s'arrêter encore un moment, je rappellerai que mon travail est constitué de deux parties distinctes mais connexes. L'une comprend les diverses significations rangées suivant leur ordre logique, les exemples classiques ou autres où les emplois du mot sont consignés, la prononciation discutée quand il y a lieu, et les remarques de grammaire et de critique que l'article comporte. L'autre comprend l'historique, les rapports du mot avec les patois et les langues romanes, et, finalement, l'étymologie. Ces deux parties se complètent l'une l'autre ; car la première, celle de l'usage présent, dépend de la seconde, celle de l'histoire et de l'origine. Les séparer peut se faire et s'est fait jusqu'à présent ; mais la première sans la seconde est un arbre sans ses racines, la seconde sans la première est un arbre sans ses branches et ses feuilles ; les avoir réunies est l'originalité de ce dictionnaire.

Arriver à l'idée la plus étendue du mot tant dans sa constitution ou anatomie que dans son emploi ou fonction est le but. Cette idée implique l'histoire, la comparaison, l'étymologie : c'est pourquoi l'histoire, la comparaison, l'étymologie sont devenues les pivots autour desquels tourne mon travail.

Par là se découvre un autre point de vue. Les mots ne sont immuables ni dans leur orthographe, ni dans leur forme, ni dans leur sens, ni dans leur emploi. Ce ne sont pas des particules inaltérables, et la fixité n'en est qu'apparente. Une de leurs conditions est de changer; celle-là ne peut être négligée par une lexicographie qui entend les embrasser toutes. Saisir les mots dans leur mouvement importe ; car un mouvement existe. La notion de fixité est fausse ; celle de passage, de mutation, de développement est réelle.