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PRÉFACE. XXIII


Le treizième siècle est a tous égards la continuation du douzième ; il n'innove pas, mais il ne laisse rien dépérir, et il cultive tous les genres créés dans l'âge précédent. Seulement le nombre des textes conservés est plus grand ; c'est une immensité, si à ce qui est publié on ajoute ce qui demeure inédit dans les bibliothèques. Les exemples de l' historique sont empruntés à Villehardouin et à Joinville, ces deux historiens, l'un du commencement, l'autre de la fin de ce siècle, à la Chronique de Rains, à Beaumanoir, au Renart, épopée burlesque et vive satire de la société féodale, à la Rose, aux fabliaux, à la Chanson d'Antioche, à Berte aux grands pieds, à Marie de France, etc.

Le quatorzième siècle perd le goût des compositions qui avaient fait le charme des âges précédents, et pourtant il n'est pas en état d'y suppléer par des créations de son fonds ; l'originalité languit, mais cela n'empêche pas les textes d'être fort nombreux. Quelques-uns seulement figurent dans l' historique : pour la poésie, le roman héroïcomique de Baudoin de Sebourg, la vie de Bertrand du Guesclin, Machaut, Girart de Rossillon, etc. ; pour la prose, Oresme, le traducteur d'Aristote, Bercheure, le traducteur de Tite Live, Modus, qui est un traité sur la chasse, le Ménagier de Paris, qui est une espèce de guide de l'administration d'une maison et d'un ménage, les Chroniques de Saint-Denis, etc.

Dans le quinzième siècle, on trouvera des citations de Froissart, qui clôt le quatorzième siècle et qui meurt dans le quinzième, d'Alain Chartier, de Christine de Pisan, de Charles d'Orléans, d'Eustache Deschamps, de Coquillart, de la spirituelle comédie de Patelin, de Commines, de Villon, de Perceforest, l'un de ces romans en prose qui remplacèrent les anciennes chansons de geste, du petit Jehan de Saintré. C'est par ces écrivains que le quinzième siècle passe sous les yeux du lecteur.

Au seizième siècle se termine la partie archaïque de la langue ; on ne le quitte que pour entrer dans l'âge classique. Rabelais, Amyot, Calvin, Montaigne, d'Aubigné, Marguerite de Navarre, le conteur des Perriers et quelques autres ont été dépouillés ; Olivier de Serres et Ambroise Paré l'ont été aussi pour le langage technique de l'agriculture et de la chirurgie. Les poëtes, dans cette période, n'ont pas atteint à la hauteur des prosateurs ; cependant les deux Marot, le père et le fils, Joachim du Bellay, Ronsard, donnent encore un contingent important.

Tels sont les principaux auteurs et ouvrages, mais les principaux seulement, qui ont fourni des échantillons de leur langage. Quand la série est complète, c'est-à-dire quand on a des exemples jusqu'au onzième siècle (en avoir plus haut est rare, puisque des deux siècles précédents quelques lignes seulement nous sont parvenues), une même vue montre d'âge en âge comment le mot s'est comporté, et quelles modifications graduelles l'ont fait ce qu'il est aujourd'hui.

En ceci, le classement par significations troublerait tout ; le classement par ordre de temps éclaircit tout. Je citerai quelques exemples. Toutes les personnes familia-