Page:Littré & Wyrouboff - La Philosophie positive, tome 20.djvu/443

Cette page a été validée par deux contributeurs.
443
CLAUDE BERNARD

de l’intelligence et non son organe. Cette idée est non-seulement une conception surannée, mais c’est une conception anti-scientifique, nuisible aux progrès de la physiologie et de la psychologie. Comment comprendre, en effet, qu’un appareil quelconque du domaine de la nature brute ou vivante puisse être le siège d’un phénomène sans en être l’instrument ? On est évidemment influencé par des idées préconçues dans la question des fonctions du cerveau, et on en combat la solution par des arguments de tendance. Les uns ne veulent pas admettre que le cerveau soit l’organe de l’intelligence, parce qu’ils craignent d’être engagés par cette concession dans des doctrines matérialistes ; les autres, au contraire, se hâtent de placer arbitrairement l’intelligence dans une cellule nerveuse ronde ou fusiforme pour qu’on ne les taxe pas de spiritualisme….. Quant à nous, nous ne nous préoccupons pas de ces craintes. La physiologie nous montre que, sauf la différence et la complexité plus grande des phénomènes, le cerveau est l’organe de l’intelligence au même titre que le cœur est l’organe de la circulation, que le larynx est l’organe de la voix. Nous découvrons partout une liaison nécessaire entre les organes et leurs fonctions ; c’est là un principe général auquel aucun organe du corps ne saurait se soustraire. »

En reproduisant ici ces paroles mêmes de Claude Bernard, nous répondons en même temps à la question que se posent ceux qui veulent absolument classer notre illustre physiologiste dans une école de philosophie : Claude Bernard était-il spiritualiste, matérialiste ou positiviste ? Si l’on répond à cette question d’après l’impression qui résulte de l’étude générale de ses travaux et de ses tendances, il nous semble que le positivisme est le seul cadre philosophique qui réponde exactement à la doctrine du déterminisme ; mais, si l’on veut chercher la réponse dans une déclaration, dans une profession de foi de Claude Bernard lui-même, on la cherchera vainement dans ses nombreuses publications. « Jamais, dit Paul Bert, il ne se départit de la sincérité profonde de l’homme de science, qui doit chercher la vérité pour elle et pour les vérités qui la suivent, sans s’inquiéter jamais des conséquences lointaines ou indirectes qu’en voudront tirer ceux qui, semblables à des avocats, ont une cause à défendre. Nul ne fut plus passif dans la déduction, et ne l’exprima avec une sincérité plus candide. De là vient que ses écrits ont pu servir, à tour de rôle, à tous les souteneurs de thèses. Que s’il ex-