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LA PHILOSOPHIE POSITIVE

les circonstances, disparaitre demain ? Claude Bernard, alors préparateur de Magendie, se refusait à admettre une pareille instabilité ; si la nature vivante eût eu de tels caprices, il n’y avait plus, il ne pouvait y avoir désormais de science portant le nom de physiologie ; si les résultats étaient différents dans deux expériences, c’est que les circonstances expérimentales n’étaient pas les mêmes. En rappelant les conditions dans lesquelles avaient été entreprises les premières recherches, en cherchant à agir toujours dans les mêmes conditions, le préparateur de Magendie retrouva le phénomène de la sensibilité récurrente et sut préciser les conditions nécessaires à sa manifestation. Certes ces conditions étaient bien simples : l’opération préliminaire à laquelle sont soumis les animaux épuise leur sensibilité, et il faut un certain temps de repos pour que cette fonction recouvre son intégrité ; or de toutes les sensibilités, celle qui est la plus facilement épuisée, c’est la sensibilité récurrente : si donc on la recherche sur un animal immédiatement après avoir mis à nu les racines spinales, on ne trouve rien ; si l’animal est laissé en repos pendant quelques heures, on constate, et toujours, la sensibilité du bout périphérique des racines motrices.

Nous avons tenu à donner avec quelques détails l’histoire du fait qui fut comme le point de départ de la méthode expérimentale de Cl. Bernard. Ce déterminisme exact, il l’a appliqué depuis à l’étude de la chaleur animale, à l’étude des fonctions des glandes, à l’étude des anesthésiques, etc., etc. Ses expériences sur le curare et sur d’autres agents toxiques ou médicamenteux ont montré qu’il ne suffit pas seulement d’introduire dans l’organisme un de ces agents pour voir se produire les effets qui lui sont propres, mais que ces effets ne se manifestent que si la substance arrive en un temps donné en quantité suffisante au niveau des éléments anatomiques sur lesquels elle agit d’une manière élective. Or, pour qu’elle arrive jusqu’à ces éléments anatomiques, il faut qu’elle ne soit pas éliminée par le poumon, si, absorbée par le système veineux général, elle traverse le réseau pulmonaire avant d’arriver dans le système artériel. C’est ainsi que l’hydrogène sulfuré, si toxique lorsqu’il est rapidement absorbé par le poumon, devient inoffensif alors que, introduit dans les veines, il est au contraire éliminé avec l’air expiré. Pour que la substance arrive en quantité suffisante et s’accumule au niveau des éléments anatomiques, il faut que son excrétion soit inférieure