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LA PHILOSOPHIE POSITIVE

organiques n’entrent en jeu que dans certaines circonstances ; mais il en est de même des propriétés des corps inorganiques ; seulement les conditions qui mettent en jeu les propriétés des êtres organisés sont le plus souvent si complexes, que, dans l’impossibilité de déterminer les causes, on a pu croire à une certaine spontanéité. Un examen exact montre ce qu’il faut voir au-dessous de cette prétendue spontanéité, surtout quand on étudie les formes élémentaires. Ainsi dans les êtres inférieurs, tels que les infusoires, il n’y a pas d’indépendance réelle de l’organisme vis-à-vis du milieu cosmique. Ces êtres ne manifestent les propriétés vitales, souvent très-actives, dont ils sont doués, que sous l’influence de l’humidité, de la lumière, de la chaleur extérieure ; et, dès qu’une ou plusieurs de ces conditions viennent à manquer, la manifestation vitale cesse, parce que les phénomènes physico-chimiques qui lui sont parallèles s’arrêtent. Or l’eau, la chaleur, l’électricité, sont aussi les excitants des phénomènes physico-chimiques, de telle sorte que les influences qui provoquent, accélèrent ou ralentissent les manifestations vitales chez les êtres vivants, sont exactement les mêmes que celles qui provoquent, accélèrent ou ralentissent les manifestations minérales dans les corps bruts.

Nous pouvons donc dire, empruntant à Cl. Bernard ses propres expressions : « qu’il n’y a en réalité qu’une physique, qu’une chimie et qu’une mécanique générales, dans lesquelles rentrent toutes les manifestations phénoménales de la nature, aussi bien celles des corps vivants que celles des corps bruts. Tous les phénomènes en un mot, qui apparaissent dans un être vivant, retrouvent leurs lois en dehors de lui, de sorte qu’on pourrait dire que toutes les manifestations de la vie se composent de phénomènes empruntés, quant à leur nature, au monde cosmique extérieur[1] ».

Autrefois Buffon avait cru qu’il devait exister dans le corps des êtres vivants un élément organique particulier qui ne se retrouverait pas dans les corps minéraux. Les progrès des sciences chimiques ont détruit cette hypothèse en montrant que le corps vivant est exclusivement constitué par des matériaux simples ou élémentaires empruntés au monde minéral. On a pu croire de même à l’activité d’une force spéciale pour la manifestation des phénomènes de la vie ; mais les progrès des sciences physiologiques détruisent également cette seconde hypothèse, en faisant

  1. La Science expérimentale, p. 116.