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LA PHILOSOPHIE POSITIVE

des sciences biologiques à l’époque où parurent les premiers travaux de Claude Bernard. Nous venons de voir qu’avec Bichat la physiologie ne s’était pas complétement dégagée des vieilles doctrines métaphysiques, puisque le fondateur de l’anatomie générale cherchait à mettre en opposition les propriétés dites vitales des tissus, et les propriétés physico-chimiques des corps inorganiques ; nous avons vu que l’empirisme expérimental de Magendie ne constituait pas encore une science, quoiqu’il contribuât puissamment à en réunir les éléments ; enfin, nous venons de rappeler qu’en effet la physiologie se voyait refuser son rang parmi les autres sciences expérimentales, et que nombre d’esprits, d’ailleurs éminents, ne voulaient voir en elle que le roman de la médecine. Il nous faut encore, touchant à des questions qui entrent davantage dans le détail des études biologiques, indiquer deux des traits caractéristiques des doctrines et des recherches physiologiques de cette époque.

La question de doctrine se rapporte à la distinction complète qu’on établissait alors entre les organismes animaux et les organismes végétaux. Du reste cette distinction est encore admise par quelques physiologistes, et les récentes conquêtes de la science au sujet de l’équivalent mécanique de la chaleur, ont paru, grâce à une interprétation un peu étroite, venir corroborer ces manières de voir : la vie des organismes végétaux consisterait surtout en actes chimiques de réduction, par lesquels la chaleur solaire serait emmagasinée sous forme de produits tels que la cellulose, l’amidon, et en général les hydrocarbures ; la vie des organismes animaux consisterait au contraire essentiellement en des actes d’oxydation, dans lesquels sont brûlés les produits empruntés aux végétaux. Comme résultats généraux ces conceptions sont parfaitement exactes ; mais elles sont exclusives, et par cela même erronées au point de vue de la vie des organismes : les végétaux et les animaux vivent de même, quant aux actes intimes de leur nutrition, de leur formation, de leur génération ; les fonctions seules sont différentes dans les organes achevés : les conditions d’immobilité de la plante permettent aux actes de réduction d’y devenir prédominants, tandis que la mobilité des animaux, la dépense de force dont ils sont le siège, nécessite chez eux des combustions très-actives : il y a entre eux différence de degré dans les deux actes essentiels de tout phénomène de nutrition (assimilation et désassi-