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CLAUDE BERNARD

Nous ne saurions, en cette revue générale, entrer dans les détails du tableau ; nous nous garderons même d’emprunter nos citations aux publications nombreuses dans lesquelles Claude Bernard a reproduit ses leçons techniques du Collège de France, et fait assister, pour ainsi dire, le lecteur aux expériences mêmes qui furent la base de son enseignement ; nous renverrons le lecteur à des œuvres moins spéciales, dans lesquelles le maître lui-même s’est plu à condenser les résultats les plus généraux, les conséquences philosophiques de ses recherches ; à ce point de vue, il faut citer tout d’abord son Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, parue dès 1865, et puis une série d’articles publiés dans diverses revues, et qui viennent d’être réunis en un tout homogène sous le titre de la Science expérimentale[1].

Claude Bernard, tout en traçant de nouvelles voies, n’a pas négligé de tenir compte des faits établis par ses prédécesseurs, et plus ou moins rigoureusement interprétés par eux. Attaché sans cesse à faire prévaloir une critique expérimentale rigoureuse, il a appliqué cette méthode aussi bien aux faits résultants d’expériences contemporaines, qu’à ceux qui avaient été fournis par les recherches anciennes. Il est donc nécessaire, pour se rendre compte de l’œuvre qu’il a accomplie, d’examiner rapidement ce qu’était la physiologie avant de recevoir son impulsion puissante et créatrice ; nous verrons ainsi qu’à côté de grandes découvertes, le génie de Claude Bernard s’est révélé encore par l’esprit de méthode, qui a présidé à son œuvre et a fait d’un amas de faits brutalement accumulés une science positive et philosophiquement coordonnée.


I


C’est au commencement de ce siècle que Xavier Bichat formula le premier nettement cette idée, que la raison des phénomènes qui caractérisent les êtres vivants, doit être cherchée non pas dans l’activité mystérieuse d’un principe d’ordre supérieur immatériel, mais, au contraire, dans les propriétés de la matière au sein de

  1. Paris, 1878, J.-B. Baillière.