Page:Litterature, n° 20, août 1921.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 20 —

même le sens des idées finit par prévaloir sur leur combinaison et sur l’amusement qu’on peut éprouver à les combiner. L’intelligence mène inévitablement au doute, au découragement, à l’impossibilité de se satisfaire de quoi que ce soit.

Q. — Selon vous, il n’y a rien de possible. Comment faites-vous pour vivre, pourquoi ne vous êtes-vous pas suicidé ?

R. — Il n’y a rien de possible, pas même le suicide.

Q. — En même temps que vous reconnaissez que rien n’est possible, vous semblez perdre vos droits à juger qui que ce soit ?

R. — Le suicide est, quoi qu’on veuille, un acte-désespoir ou un acte-dignité. Se tuer, c’est convenir qu’il y a des obstacles effrayants, des choses à redouter, ou seulement à prendre en considération.

Q. — Selon vous, le suicide est un pis-aller.

R. — Exactement. Et un pis-aller à peine moins antipathique qu’un métier ou qu’une morale.

Q. — Est-ce que le suicide vous semble un geste facile ?

R. — Ce qu’il y a d’un peu héroïque dans ce geste n’est pas ce qui le rend plus sympathique. J’ai toujours horreur des grandes décisions, des partis extrêmes. Pendant la guerre…

Q. — Qu’est-ce que vous faisiez pendant la guerre ?

R. — Sous-lieutenant dans le service automobile à Paris.

Q. — Vous venez de montrer que le suicide ne vous semblait pas défendable, mais vous n’avez toujours pas dit comment, en condamnant tout, vous vous arrangiez pour vivre.

R. — Vivre au jour le jour. Maquereautage. Parasitisme.

M. Pierre Drieu la Rochelle

Q. — Connaissez-vous personnellement M. Maurice Barrès ?

R. — Oui.

Q. — En quelles circonstances l’avez-vous rencontré ?

R. — J’ai été le voir comme un des représentants de