Page:Litterature, n° 20, août 1921.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 19 —

Q. — Estimez-vous que les poursuites contre Maurice Barrès soient fondées ?

R. — Oui, parce qu’elles sont injustes. Il n’y a rien de plus encourageant que les injustices.

Q. — Voulez-vous essayer de caractériser vos sentiments à l’égard de Barrès ?

R. — Quoique j’aie aimé le premier Barrès et qu’il ait exercé sur moi une longue influence, aujourd’hui sa première attitude m’est apparue presque aussi antipathique que la seconde.

Q. — Pourquoi ?

R. — La tentative d’affranchissement, la révolte ne me sont pas plus sympathiques que la passivité la plus complète en présence des conventions les plus absurdes. La révolte est une forme d’optimisme à peine moins répugnante que l’optimisme courant. La révolte, pour être possible, suppose qu’on envisage une opportunité de réagir, c’est-à-dire qu’il y a un ordre de choses préférable et à quoi il faut tendre. La révolte, considérée comme une fin, est, elle aussi, optimiste, c’est considérer le changement, le désordre comme quelque chose de satisfaisant. Je ne peux pas croire qu’il y ait quelque chose de satisfaisant.

Q. — Est-ce que l’attitude de Barrès vous semble particulièrement optimiste ?

R. — Oui. Le Barrès actuel trouve évidemment toutes choses possibles, puisqu’il contribue personnellement à les rendre possibles.

Q. — Est-ce que la première attitude de Barrès vous semble aussi optimiste que la seconde ?

R. — Il joue avec les idées. Il enseigne le plaisir de l’analyse. Je devine qu’on puisse s’amuser avec l’analyse et qu’au moment où on s’en amuse, on donne ce jeu comme un but, sans vouloir tenir compte des extrémités où mènent ces idées.

Q. — Voulez-vous me dire en quoi l’analyse vous choque ?

R. — Je m’étonne qu’un esprit se contente de faire les mêmes vérifications des milliers de fois. Et tout de