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mélancolie, apanage des âmes tendres et contemplatives.

Trop sensible pour n’aimer que le bruit et le faste, elle se dérobe souvent au brillant tourbillon qui l’entoure, pour jouir dans la solitude, de la paix et du charme de la nature. Le lever et le déclin du jour sont pour elle un spectacle dont son âme est toujours vivement émue. Elle aime à voir le soleil verser ses dernières lueurs sur les monts du couchant et disparaître sous un rideau de pourpre et d’or. Elle aime à respirer le souffle embaumé du matin ; elle se plaît à voir la riante aurore s’élever sur les plaines azurées des cieux, en effeuillant sa couronne de roses, et chassant devant elle les ombres fugitives et les astres pâlissants de la nuit.

Voilà les impressions qu’Isaure préfère aux vaines flatteries dont l’entoure un monde dont elle est, par sa beauté, le charme et l’idole.

Absorbée dans ses rêveries, elle s’avance lentement. Un bruit doux et plaintif frappe son oreille : c’est le murmure de la fontaine. Des cyprès couvraient le rocher d’où jaillissait cette source mystérieuse ; mais, plus loin, leurs rameaux s’écartaient, laissant apercevoir par une échappée, un gracieux vallon, digne de la baguette d’un génie dans quelque royaume enchanté. On voyait un petit lac bordé de fleurs, au-dessus duquel les abeilles chargées de leurs doux fardeaux d’ambroisie, bourdonnaient et voltigeaient en toute sécurité. Au milieu, s’arrondissait une île, berceau préparé pour le repos des amoureuses colombes, et sur les bords un arbre solitaire, un saule à la pâle verdure, laissait tomber ses branches flottantes que l’onde semblait baigner de pleurs.

Isaure s’était assise sur la rive à l’ombre d’un arbre antique. On l’aurait prise pour le génie de cette onde et de ces bois. Un voile flottant ramené sur son sein, cachait les perles et les rubis, signes de son rang élevé. Dans son attitude pensive et recueillie, elle était belle, de