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retenues. Et sa cellule de nonne où elle n’introduisit jamais qu’une tendresse profonde et fidèle, fut comme un nid silencieux où l’amour vint ployer ses ailes et chercher un abri digne d’envie.

Aussi son nom qui prend sur les lèvres l’accent d’une mélodie, son nom si doux, n’a point péri et a passé à la postérité comme un écho suave et ému ; sa mémoire est restée enveloppée d’une sorte de rayonnement de poésie. Couronnée de cette auréole amoureuse, elle a été ainsi transfigurée pour rejoindre au ciel idéal cette constellation de deux cœurs embrasés que les amants invoquent comme des étoiles propices. Elle en a été un des astres les plus charmants et les plus radieux, et sa lueur touchante attirera toujours vers le coin du ciel où elle scintille les yeux et les pensées de ceux qui ont au fond du cœur la nostalgie divine de l’amour.

Elle a aimé, elle a souffert : elle a subi les déchirements les tortures et les affres de la passion, mais elle a su faire de la tendresse un culte, presque une religion. Elle a été ainsi une amante accomplie, et c’est à ce titre que la postérité l’a toujours entourée d’une sympathie attendrie d’une sorte d’indulgence caressante et compatissante. Comme la belle pécheresse de Magdala, à qui il a été beaucoup pardonné, on a excusé ses tendres faiblesses, et pour ainsi dire, gracié les entraînements de son cœur, parce qu’elle a fidèlement et admirablement aimé !

Faut-il s’étonner dès lors que l’imagination populaire, qui ne s’exalte que pour les sentiments profonds et vrais, ait donné cours à une légende touchante, et accepté la croyance d’un incident merveilleux qui signala, dit la Chronique de Saint-Martin de Tours, l’ensevelissement d’Héloïse, au Paraclet, où elle avait fait transporter les restes de son époux, mort, comme on sait au monastère de Cluny.

« Sur l’ordre qu’elle donna avant d’expirer, raconte