Page:Littérature Contemporaine - Volume 41, 1889.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Vous voyant dans les cieux rougissante et plus belle,
Ne reconnut en vous l’adorable Immortelle.
Dont le divin baiser lui consume le cœur ?

Mais, ô reine des nuits, dont la pure lumière
Est faite pour charmer les pleurs des malheureux,
Vous ne laisserez point le berger solitaire.
Exhaler son amour en soupirs douloureux !…

Voyez ses beaux cheveux épars sur son épaule,
Aux blancheurs de son cou mêlant leurs noirs anneaux,
Comme on voit les rameaux et l’ombrage du saule
Effleurer mollement l’albâtre des tombeaux…
Voyez ses yeux si purs sous un voile de larmes,
Redemander encor ce trésor plein de charmes,
Ce rêve qui l’enivre, hélas ! et qui le fuit…
Rendez-lui ce doux bien et ce bonheur suprême,
Déesse ! et que son cœur puisse voir le ciel même
Lui sourire à travers les songes de la nuit !…

....................


VI

 
Le pasteur s’éveilla quand, du jour et du monde,
Les premiers feux de l’aube, annoncèrent le Dieu,
Et ses beaux yeux, remplis d’une langueur profonde.
Virent à l’occident la lune près de l’onde,
Dont un dernier rayon, tendre comme un aveu
Tout frémissant d’amour, semblait lui dire : adieu !…

Et dès lors on ne sut par quel heureux mystère
Sa voix n’exhala plus de plainte solitaire ;
Mais son cœur ne battait que d’un joyeux espoir.
Quand la fuite du jour laissait la mer plus brune,
Et le bord parfumé le revit chaque soir
Rêver et s’endormir au doux clair de la lune !…

Gabriel Monavon.