Page:Littérature Contemporaine - Volume 41, 1889.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Écoute Allah ! C’est la prière
Des vierges et des matelots :

Chasse plus loin la cruelle tempête ;
Souffle de mort à ta voix emporté.
Chasse la nuit, rend la nature en fête,
Donne le calme à cette immensité !


V


Quand l’astre d’or eût déchiré la nue,
Fuyant le jour, l’orage était passé ;
Mais on voyait, sur un roc, suspendue,
La caravelle ayant son mât brisé.
Et des chrétiens accouraient du rivage,
Dans leurs canots vers le grand rocher gris,
Puis repartaient avec tout l’équipage.
On entendait et des pleurs et des cris ! —

Pleurez, criez, vierges, car l’esclavage
Seul vous attend ; mieux eût valu la mort ! —
Non ! de l’Émir la flotte qui voyage
Viendra bientôt, connaissant votre sort.
Près des chrétiens, bourreaux de leurs familles,
De fiers guerriers élèveront la voix ;
Et se vengeant en reprenant leurs filles,
Parmi les morts feront tomber la Croix !

Gaston Boissier.


À LA BIEN-AIMÉE

SONNET


Si j’étais une fleur, j’ouvrirais mon calice,
Et répandrais pour toi mes parfums les plus chers ;
Abeille, au fond des prés, sur les coteaux déserts,
J’irais chercher la plante au plus doux miel propice ;