Page:Littérature Contemporaine - Volume 41, 1889.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Oh ! comme il était beau le berger de Carie,
Berçant au bord des mers sa tendre rêverie !
Comme languissamment, sur son bras incliné,
S’appuyait son front pur de pudeur couronné !…
Son œil, demi-voilé sous sa paupière humide,
Brillait comme une étoile au sein d’une eau limpide ;
Sur son teint respirait, en sa suavité,
Première fleur d’amour, la chaste puberté.
La brise caressait sa chevelure noire,
Et soudain, de ses dents étincela l’ivoire,
Quand sa bouche s’ouvrit pour exhaler ces mots
Mariant leur douceur au murmure des flots :


III


— « Ô nuits, nuits du printemps ! quelle volupté pure
« Votre souffle embaumé répand sur la nature !…
« L’air chargé de parfums, de langueur et d’amour,
« M’oppresse, me ranime et m’abat tour-à-tour,
« Il apaise et nourrit cette flamme inconnue
« Dont la secrète ardeur me fait vivre et me tue,
« Et qui n’a d’autre objet que cet être idéal,
« A mon cœur embrasé, si doux et si fatal !
« Les fleurs, les vents, les bois, la voix de Philomèle
« Qui chante avec la brise et s’éteint avec elle,
« Le bruit vague de l’onde à mes pieds soupirant,
« Les astres, fleurs des nuits, dont l’écho expirant,
« Pâlit devant Phœbé dans un ciel sans nuage,
« Tout revêt à mes sens et la voix et l’image
« De ce rêve adoré de mon cœur délirant !… »
Ainsi parla l’éphèbe, et sa voix incertaine,
S’éteignant par degrés, aux vents ne jeta plus
Que quelques mots sans suite et des soupirs confus ;
Puis, ainsi que fléchit le feuillage d’un chêne
Ou s’abat de la nuit l’oiseau mystérieux,