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il plus sujet de réclamer contre la subalternité des musiciens ? »

Mon adversaire ne le croit pas ; mais croit-il vraiment à un parallélisme exact dans la position sociale des poètes et des musiciens ? La supériorité d’éducation (pour ne placer mon thème que dans les conditions déterminées par M. Germanus) n’est-elle pas évidente chez les premiers ? et cette supériorité d’éducation, lorsqu’elle est jointe à la supériorité du talent et du génie, ne conduit-elle pas infailliblement au premier des pouvoirs, le pouvoir moral ? N’y a-t-il pas, d’ailleurs, dans la société présente une tout autre place pour la poésie que pour la musique ?…

Populaire et politique dans les chansons de Bérenger, révolutionnaire dans les Iambes et Némésis, religieuse et infinie avec Lamartine, immense et toute puissante par Victor Hugo, la poésie, à notre époque, soulève tous les problèmes, discute toutes les questions, remue toutes les passions, tous les intérêts, attaque et défend toutes les causes, et ainsi domine et régente les choses et les hommes, tandis que partout dans les collèges, les écoles, ses chefs-d’œuvre sont traduits, commentés, analysés ; son histoire enseignée et étudiée en même temps que les sciences et les langues mortes ; la musique, cette science des sciences, cette langue éternellement vivante, obtient à peine de la libéralité du gouvernement de quoi entretenir une sorte d’hospice prétendu conservateur. — Au moment où toutes les