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l’intelligence. Il eût pu nous intéresser beaucoup en nous parlant de la correspondance de Gœthe avec Zelter, de l’intimité de MM. Rossini et Aguado, des rapports de bienveillance qui existaient entre le général Lafayette et Mme Malibran. Il eût put aussi vous citer au nombre des amateurs qu’un lien fraternel unit aux artistes MM. Meyerbeer, Onslow, Mendelssohn, Hiller, Thalberg, — Mmes les comtesses Rossi et de Spaar. À la vérité ces arguments auraient eu le tort de prouver une chose incontestée, et par conséquent en dehors de la question ; pourtant ils seraient peut-être de meilleur aloi que celui-ci, tout à fait ad hominem, dont M. Germanus m’accable si impitoyablement : « Vous avez été adulé, gâté par le monde, vous n’êtes donc pas fondé à vous en plaindre ! »

Certes il y aurait une étrange ingratitude de ma part à méconnaître la flatteuse bienveillance dont on a usé à mon égard. Toutefois puisque mon honorable collègue m’interpelle aussi directement, je ne cacherai pas que souvent, soit dans des concerts publics ou particuliers, soit dans des réunions où je me trouvais admis exceptionnellement, quoique artiste, j’ai ressenti douloureusement ma solitude et la subalternité du musicien. Souvent, en m’apercevant de l’inepte silence qui suivait l’exécution des plus belles œuvres de Beethoven, de Mozart, de Schubert, et en observant d’autre part les bruyants transports qu’excitaient de misérables bagatelles, j’ai gémi et désespéré. Bien souvent aussi, entouré