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verbe ne se fait chair, soit pour frapper de terreur et d’étonnement, soit pour enchanter religieusement la foule prosternée devant le saint des saints.

Ce n’est pas qu’on les oublie ou qu’on les méprise. Non, la raison de leur silence est plus grave, plus profonde. Nous ne savons plus ce que c’est que la musique religieuse ; et comment en serait-il autrement ?…

Le pouvoir spirituel du moyen âge[1], ce pouvoir si grandiose et souvent si bienfaisant au temps de ses splendeurs, semblable maintenant au roseau cassé, au lumignon qui fume à peine, n’a plus en lui la force de repousser de vigoureuses racines dans le sol, et d’illuminer cieux et terre par de flamboyantes et miraculeuses gerbes d’or. Depuis longtemps la direction du mouvement social lui a échappé. L’église catholique uniquement occupée à balbutier sa lettre morte et à prolonger dans l’aisance sa dégradante caducité, — ne sachant qu’exclure et anathématiser là où il faudrait bénir et encourager, — dépourvue du sentiment des besoins profonds qui travaillent les générations nouvelles, ne comprenant rien ni à la science ni à l’art, et n’ayant rien, ne pouvant rien, pour apaiser cette faim et cette soif de justice, de liberté et de charité qui nous tourmente, l’église catholique, telle quelle s’est faite, telle que la voilà souffletée à la fois sur les

  1. Cf. Auguste Comte.