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meilleurs auteurs, d’examiner et de comparer les méthodes d’enseignement, les partitions, les compositions marquantes, etc., etc. ; autant vaudrait leur demander des détails sur les habitants de la Lune. À quoi bon, vous répondront-ils, se tourmenter l’esprit de toutes ces choses vagues et contradictoires ; « nous n’avons besoin ni de science pour enseigner, ni de criterium pour critiquer ; — nous faisons de la critique et nous professons. Ne suffit-il pas d’avoir des oreilles pour juger et de manquer d’argent pour professer. »

Ainsi, le premier cuistre venu s’intitule professeur, du même droit à la vérité que tant de gagne-pain et de grippe-sous, ses honorables collègues. Quelques-uns de ces artistes cumulent les honoraires du professorat et du journalisme. Néanmoins le feuilleton se recrute plus habilement dans cette population d’incapacités spéciales, d’eunuques envieux ou oisifs, en gants jaunes ou sales, possédant des beaux tilburis ou battant impertinemment le pavé, population d’une haute importance, juge souverain du beau, du laid, du succès, de la chute et qu’on peut regarder et admirer, se promener elle-même, comme le grand roi, au foyer des Bouffes et de l’Opéra.

N’est-ce pas pitié que de voir une belle œuvre exposée aux bâillements ineptes, aux observations plaisantes et tranchantes de ces individus qui le lendemain octroyent leur ignorance et leur sotte partialité au public…