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sommes plus au temps où une Académie[1], se constituant l’organe du scepticisme moral qui ébranlait sourdement la société jusque dans ses bases, mit au concours cette question : « Si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs. » Question sauvage, blasphématoire, que la brûlante éloquence et les paradoxes austères de Rousseau ont peut-être trop illustrée.

Aujourd’hui, personne que nous sachions ne songe sérieusement à révoquer en doute la puissance civilisatrice de l’art ; — l’astre est trop haut monté et son raisonnement trop splendide pour que les plus aveugles même ne soient au moins forcés au silence ; et tel est sur ce point l’accord des opinions et des sympathies actuelles, si contradictoires et si divergentes du reste ; telle est l’unanimité tacite ou avouée des partis les plus opposés, des systèmes les plus irréconciliables, que lorsque naguère, une société d’hommes que l’on a jugé plus à propos de persécuter par la calomnie, le ridicule et la légalité, que d’écouter et de combattre loyalement, lorsque, dis-je, cette société a proclamé, prêché et enseigné la trinité nouvelle de la science, de l’industrie et de l’art, nulle voix ne s’est élevée et n’a réclamé contre cette idée étrange, inouïe, des nouveaux apôtres qui prétendaient réaliser gouvernementalement des fictions, des phrases, des couleurs, des sons et conférer ainsi aux poètes, aux écrivains, aux

  1. Celle de Dijon, en 1750.