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instrumentale ?… Mais tout le monde sait combien le public qui s’intéresse à ce genre de composition est restreint, divisé et peu habitué d’ailleurs à rétribuer le temps perdu de l’artiste. Que fera donc Berlioz ? Que fera l’élite des jeunes compositeurs, hommes sérieux et consciencieux dont la situation est (à quelques nuances près) identique à la sienne ? Que feront-ils ? je le répète. La réponse est toute trouvée, dira-t-on : qu’ils fassent des romances, des chansonnettes, des mosaïques, ou, mieux encore, des contredanses et des galops sur les motifs favoris des opéras nouveaux. Vive Musard ! vive Tolbecque[1] ! vivent messieurs ****, ******, *******, et tuttiquanti. Ce sont là les Louis-Philippe, les Rothschild et les Aguado de la musique. Aux grands hommes, la patrie reconnaissante !…

Voyez encore, si vous en avez le courage, une autre classe de musiciens, les professeurs, qu’un de mes compatriotes, H. H.[2], le plus spirituel et le plus parisien des Allemands, comparaît à des perruquiers qui vont en ville, à des cochers de fiacres loués à l’heure, voyez, ou plutôt écoutez-les. Écoutez leurs plaintes et leurs lamentations sur le chien de métier qu’ils sont obligés de faire ; ou l’impéritie et l’incurable stupidité de leurs élèves ;

  1. Fabricants de contredanses et de quadrilles.
  2. Heinrich Heine. — On s’étonnera de voir Liszt, hongrois, se dire compatriote de Heine, hambourgeois. Mais à cette époque le terme d’Allemagne du Sud comprenait toute la monarchie austro-hongroise, transleithane et cisleithane.